Henriette Hanotte a joué un rôle essentiel, sauvant des vies et faisant circuler l’espoir là où tout semblait perdu. Une histoire vraie, forte, presque cinématographique.
Découvrez son histoire...
Les femmes dans la Résistance du Nord
Dès 1940, le Nord et le Pas-de-Calais sont occupés par l’Allemagne, et la présence militaire est écrasante. Dans ce contexte, des actes de résistance civile et individuelle apparaissent très tôt : désobéissance, sabotage, hébergement de soldats, filières d’évasion et création de journaux clandestins comme L’Homme libre.
Les femmes jouent un rôle central dès l’été 1940. Leur engagement est précoce, souvent autonome, et touche toutes les couches de la société : célibataires, veuves ou mariées, elles hébergent les résistants, fournissent des faux papiers et facilitent les réunions et transmissions d’informations. Certaines, comme Émilienne Moreau, déjà engagée dans la résistance pendant la 1er Guerre Mondiale, deviennent des figures importantes.
En 1944, à Londres, elle témoigne : « Messieurs, ce sont pour la plupart des femmes qui font les liaisons des groupes de résistance, ce sont des femmes qui portent et distribuent souvent les journaux et les tracts… et rapportent aux organisations les renseignements nécessaires sur la concentration des troupes et des péniches destinées à l’invasion de votre pays. »
Près de 950 femmes, soit 12 % des résistants du Nord, ont été actives dans la Résistance, souvent au péril de leur vie : 46,8 % ont été arrêtées, 24,8 % déportées. Longtemps oubliées, ces femmes sont aujourd’hui reconnues comme des figures essentielles de la Résistance, courageuses et déterminées.
Le réseau Comète, une illustration de l’engagement féminin en Résistance
Créé en août 1941 par la jeune Belge Andrée De Jongh, le réseau Comète devient l’une des principales lignes d’évasion en Europe occupée. Son objectif est clair : secourir les aviateurs alliés, les cacher, leur fournir de faux papiers et organiser leur passage clandestin de la Belgique au Nord de la France, puis vers Paris, le Pays basque, la traversée des Pyrénées, l’Espagne et enfin l’Angleterre.
Cette place centrale des femmes dans la Résistance se retrouve pleinement dans l’histoire du réseau belge Comète, l’une des principales lignes d’évasion actives entre 1941 et 1944. Fondé par Andrée De Jongh, Comète repose sur une résistance non armée, fondée sur l’hébergement, la liaison et le passage clandestin d’aviateurs alliés vers l’Angleterre, au péril de la vie de celles et ceux qui y participent.
La proximité de la frontière belge confère à notre territoire de la Pévèle un rôle stratégique dans ces opérations. Villages et habitations deviennent des lieux de transit discrets, où l’on cache, nourrit et guide les aviateurs avant de les orienter vers Paris, puis le sud de la France.
Le réseau organise un itinéraire clandestin extrêmement dangereux, reliant la Belgique, le Nord de la France, Paris, le Pays basque, puis la traversée nocturne des Pyrénées vers l’Espagne, avant un transfert vers Gibraltar et Londres.
Cette résistance du quotidien s’appuie sur une organisation très structurée et cloisonnée, mobilisant près de 2 000 agents belges, français et espagnols, hébergement, faux papiers, liaisons, convois, passages de frontières : chaque maillon est indispensable. La tranche d’âge se situe donc entre 15 et 27 ans.
Malgré une répression implacable — environ 800 arrestations et 155 morts — le réseau Comète permet le sauvetage de 700 à 800 personnes, principalement des pilotes alliés. Les femmes y occupent une place essentielle, représentant 35 % des agents morts pour faits de résistance, preuve de leur engagement et des risques encourus.
A l‘exemple d’Henriette Hanotte, dont le parcours illustre à la fois le courage, la jeunesse et la détermination des résistantes de Comète.
Crédits photo : Wikipédia
Henriette Hanotte
Henriette Lucie Hanotte grandit à Rumes, petit village belge adossé à la frontière française. Ses parents, Clovis et Georgette Hanotte, y tiennent un hôtel-café, une agence en douane et une ferme. Ici, la frontière fait partie du quotidien. Henriette connaît les chemins, les sentiers, les habitudes des douaniers. Elle passe et repasse, sans se faire remarquer.
Lorsque la Belgique est occupée en mai 1940, la maison familiale devient un refuge. À 19 ans, Henriette aide, avec ses parents, deux officiers britanniques égarés après la bataille de Dunkerque à franchir la frontière et à rejoindre Lille. Ce premier passage ouvre une longue chaîne de solidarité. Très vite, Henriette est repérée par le MI9, service britannique chargé de l’évasion et du rapatriement des militaires alliés, et rejoint le réseau Comète, sous les noms de guerre « Marie », puis « Monique ».
Entre 1940 et 1944, elle devient l’une des passeuses du réseau. À seulement 20 ans, elle escorte des soldats et aviateurs alliés depuis la frontière belgo-française, de Rumes à Bachy, puis vers Lille et Paris. Au total, ce sont environ 140 hommes qu’elle aide à échapper à l’occupant. Son rôle ne s’arrête pas au Nord : une fois les fugitifs remis à d’autres relais,
Au retour de ses missions, Monique se charge également de porter du courrier à ses contacts de Comète à Bruxelles
Après les grandes arrestations de 1943-1944, et alors qu’elle est désormais connue de la Gestapo à Rumes, Henriette est affectée à des missions plus lointaines. Elle participe à la liaison et au guidage depuis Paris vers le sud de la France, puis apprend les itinéraires menant vers l’Espagne, utilisant les mêmes circuits que ceux qu’elle avait fait emprunter aux aviateurs alliés.
En mai 1944, menacée d’arrestation, elle emprunte à son tour la route de l’évasion. Avec Aline Dumon, elle traverse les Pyrénées, rejoint l’Espagne, Gibraltar, puis l’Angleterre. Là-bas, Henriette est intégrée à l’armée britannique comme sous-lieutenant de l’ATS (Auxiliary Territorial Service branche féminine de la British Army). Elle suit un entraînement de parachutiste, en vue d’un possible retour clandestin, mais une fracture du péroné lors d’un saut d’entraînement, le 25 août 1944, met fin à cette perspective.
Le 8 mai 1945, elle célèbre le jour de la victoire à Londres, puis retourne chez elle en Belgique pour épouser un garde-frontière rencontrer lors de ses nombreux passages : Jules Tomé.
Elle s’éteint le 19 février 2022 à Nivelles, à l’âge de 101 ans, laissant derrière elle le parcours discret et exceptionnel d’une jeune femme devenue résistante presque sans s’en rendre compte, simplement parce qu’il fallait aider.
Au petit matin, dans les pas de «Monique»
Il est environ cinq heures du matin lorsqu’Henriette Hanotte quitte la maison familiale, rue du Sentier à Rumes. L’aube n’a pas encore percé. À cette heure, le silence protège mieux que l’obscurité. À ses côtés marchent un ou deux aviateurs alliés. Ils avancent vite, sans parler.
La veille au soir, les hommes ont reçu les dernières consignes. Ils ne sont plus des militaires, mais des civils ordinaires. Leurs cartes d’identité et cartes de travail françaises ont été fabriquées clandestinement par Nelly et Raymonde Hoël, deux sœurs installées dans une ferme à Bachy. Henriette et sa mère ont appris aux aviateurs à répondre mécaniquement lors d’un contrôle et rester muets. Pour renforcer l’illusion, on leur remet une boîte d’allumettes française, quelques extraits de journaux et l’on retire tout ce qui pourrait trahir leur origine.
Le groupe s’engage alors sur les chemins. Henriette longe d’abord la voie ferrée, puis bifurque par un sentier discret, à travers champs. Elle connaît chaque détour, chaque fossé, chaque clôture à enjamber. La frontière se franchit à pied, sans bruit, dans les prairies humides. Arrivée à Bachy, elle s’arrête brièvement chez deux alliés essentiels : les douaniers Maurice Bricout et Albéric Houdart. Ils ne cachent personne, mais fournissent ce qui est vital : des renseignements précis sur les rondes, les trains, les patrouilles du jour.
Une sente permet ensuite de rejoindre la chaussée de Lille. Henriette et ses « colis » montent dans le bus des ouvriers, puis prennent le train vers Lille, et plus loin Paris, toujours en troisième classe. Le danger ne disparaît jamais. Il se déplace simplement, d’un champ à un quai de gare.
Une trace de cette histoire est peut-être encore enfouie dans le sol. Pendant l’Occupation, Henriette et sa mère avaient conservé les anciennes cartes d’identité belges des aviateurs, remplacées par de faux papiers pour la suite du voyage. Par précaution, elles les avaient enterrées dans deux bocaux, dans un champ voisin de la maison. Des années plus tard, des spécialistes britanniques tenteront de les retrouver, sans succès.
Mémoire et découverte ludique
Aujourd’hui, le courage et l’engagement d’Henriette Hanotte sont honorés de plusieurs manières :
À Bachy, sur la Place de la Liberté, une statue double intitulée « Passage de la frontière », réalisée par Éric Dupuy d’après un dessin de Jacques Van Butsèle, a été inaugurée le 12 mai 2018. Elle représente Henriette guidant l’aviateur Charles Carlson et symbolise l’ensemble des pilotes qu’elle a aidés durant la guerre.
Henriette Hanotte a été également reconnue comme citoyenne d’honneur de Bachy en 2015 puis de Nivelles en 2020, célébrant ainsi sa vie et son engagement.
Son histoire se découvre aussi à travers un circuit de randonnée de 11 km « Dans les pas de Monique » qui permet de suivre son parcours de guide et de passeuse le long des chemins de la frontière belgo-française.
Enfin Pévèle Carembault Tourisme propose plusieurs fois par an, la « La mission secrète d’Henriette ». Cette expérience immersive permet de revivre en famille ou entre amis, les étapes et les défis rencontrés par Henriette et ses aviateurs.